vendredi 27 août 2010

La mélodie visuelle

Une si petite manivelle pour un si gros engrenage.
Photo : Alec

La photo, c'est à mon sens la mémoire visuelle totale. Je veux dire par là que toute l'information objective est sous nos yeux lorsqu'on regarde une image photographique. Bien sûr, on peut cadrer, ajuster, contraster, accentuer et traiter l'image de façon à modifier le message qu'elle porte.
Mais on peut aussi simplement extrapoler de cette image des impressions, des humeurs, voire même ses propres souvenirs. On peut s'y projeter ou y projeter sa mémoire.

Ce que je veux faire est de recréer une image captée et objective en y inscrivant sur une toile que ce qui fait de cette image une émotion visuelle. C'est un peu comme siffloter une pièce musicale. On vient d'en extraire l'essence profonde de la musique : la mélodie. Débarrassée de son orchestration et de ses arrangements, la mélodie porte à elle toute seule toute la charge émotive de la création sonore d'origine. Voilà ce que je veux essayer de faire en regardant une photo et en l'interprétant en peinture.

détail de Tuyaux de fonte 2
acrylique sur toile - 2009

36" x 24 " (91,4 cm x 61,0 cm)
série "Hors série" www.alec5.com
Il ne s'agit plus là de ma propre mémoire mais de la mémoire de l'image, du sujet, de l'objet capté. Chacun, en regardant la toile, pourra alors y ajouter, en couches évanescentes, ses propres impressions et souvenirs.

Le sujet d'exploration reste l'observation des façons de construire, de manufacturer, d'assembler des objets, des machines et des architectures d'antan.
Je suis entrain de capter ces lieux, ces machines et ces objets chargés et vibrants encore de leur vécu, susceptibles de provoquer en moi quelque chose qui se traduira par une expression pure sur la toile.

C'est la suite logique de l'émanation mnémonique spontanée. La suite logique et pourtant inversée. Ce ne sont plus les images de lieux qui surgissent de ma mémoire, mais la mémoire des lieux et des objets qui vont inscrire leur propre vécu dans mon geste pictural.

La gestation est longue, mais il me faut ce temps pour bien comprendre ce qui m'habite, ce qui me pousse maintenant à peindre. Ce n'est plus l'action de peindre mais le filtre pictural qui m'intéresse dans cette démarche. Comment l'image va survivre au geste, au coup de pinceau? Comment l'image va se filtrer à travers cette acrylique rebelle et de ces pinceaux fatigués? Car ces pinceaux déformés par l'usure et cet acrylique souillé par le temps vont obliger l'image à se saturer de défauts et de pertes de contrôle. Ainsi je garde une donnée primordiale de ma démarche : ce sont plus les usures du temps sur mes outils qui font que je ne puis être totalement maître de l'image que je crée.
L'accident, le spontané reste un élément majeure de ma façon de peindre.

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