mercredi 19 janvier 2011

Faire un catalogue



Depuis 2001, hormis la création des vélos Opus, je m'occupe de la production des catalogues, avec la précieuse collaboration du photographe Marc Dussault. Nous avons fait des catalogues dont les images de vélos étaient prises en studio. Catalogues léchés dans lesquels nous mettions un soin particulier à faire ressortir l'aspect esthétique des vélos.

Au cours des années, nous avons développé des techniques et des trucs pour améliorer la prise de vue. De plus en plus précises, grâce il faut le dire aux avancées technologiques du numérique, les photos témoignaient de la grâce des vélos avec une justesse et une netteté de détails impressionnante.

Pour la version 2011 du catalogue, en fait pour la dixième année d'Opus, il y a eu des changements. Je devais travailler avec un autre photographe, Rick Katigbak, question d'horaire de disponibilité.
Afin de rendre justice à chacun et pour éviter que l'un et l'autre des photographes soient comparés, j'ai pensé "casser le moule" et explorer d'autres points de vue, d'autres concepts.

Ainsi, l'idée de faire des photos extérieures était une suite logique. Mais je ne voulais pas tomber dans les clichés de photos d'action : Vélo de montagne en montagne, vélo de route sur route, etc. Il fallait trouver autre chose, quelque chose de rarement fait. L'idée de montrer le vélo hors contexte m'est apparue intéressante.



J'ai alors pensé à toutes sortes de lieux incongrus, allant des allées de métro à la casse automobile. Mais vite se sont présentées les difficultés logistiques. Nous avons plus de 80 modèles... Il me sembla alors hors de question de trouver 80 emplacements différents, 80 mises en scène et de faire une session photo à chaque endroit. Nous aurions pris des semaines à compléter la prise de vue.



J'ai pris alors mon appareil photo et enfourché mon fidèle vélo à la recherche de lieux inspirants. Des journées ensoleillées à sillonner des quartiers et à prendre nombre de clichés. La belle vie, quoi! Rapidement, quelques lieux se sont imposés. J'ai senti que d'apposer un vélo flambant neuf contre un mur ou une structure défraîchie pouvait créer un contraste très intéressant. Je me suis donc concentré sur des anciens quartiers industriels, les ruelles et sur le secteur du vieux port de Montréal.



L'avantage de sillonner les rues en vélo, c'est que l'on peut s'arrêter à tout bout de champs sans avoir à trouver une place de stationnement. Mais aussi on peut couvrir un plus large secteur et plus rapidement qu'à pieds. Bref, ici et là je prenais des clichés de façades, de murs, de palissades pouvant correspondre à tel ou tel vélo, en termes de couleurs, comme en termes de caractère.



Réunissant par la suite toutes ses photos, et grâce à Google Map, ainsi qu'aux heures affichées sur chaque image, car la lumière change selon l'heure de la journée, j'ai tracé un parcours idéal. J'ai regroupé certains emplacements afin de concentrer les prises de vue, surtout en pensant à l'emplacement de stationnement du camion, car il fallait bien apporter tous ces vélos!



Bien sûr, il était impossible de photographier toute la ligne Opus en un jour. J'ai réparti donc les séances de prise de vue par gamme de vélo et par emplacement. Nous avons fait quatre jours à coup de 20 à 25 vélos à la fois. C'était tout un défi car nous n'avions jamais fait cela avant et je ne pouvais pas estimer le temps que cela nous prendrait.



Rick est arrivé, le premier jour, avec un chariot transportant tout ce dont un bon photographe professionnel à besoin pour assurer une prise de vue parfaite. Des réflecteurs, des Softs, des trépieds, des supports, des batteries électriques, des rallonges, plusieurs appareils, une multitude d'objectifs... Bref tout un attirail prêt pour toute éventualité. Pauvre Rick, je lui ai fait remettre tout cela dans sa voiture et lui ai expliqué que nous partions pour une sorte de "Shooting sauvage", des prises de vue instinctives, sur le vif et certainement dans des endroits où normalement nous ne devrions peut-être pas nous trouver. Il fallait donc être léger, ultra-léger. Il ne garda que deux appareils et un réflecteur escamotable souple.



Nous avons alors pris chacun deux vélos à la fois et nous nous sommes mis à marcher en direction des emplacements prévus. Mais je savais que, selon nos déplacements, l'inspiration du moment pouvait tout faire changer. Ainsi, il est arrivé plusieurs fois que l'on prenne un vélo dans plusieurs emplacements différents. Des aides de chez Opus, qui avaient chargé les vélos et conduit le camion, nous fournissaient d'autres vélos au fur et à mesure de nos avancées. Même le camion avait été chargé selon un ordre précis permettant d'avoir accès plus rapidement aux modèles désirés selon les emplacements prévus. Un véritable ballet de vélos, d'allées et venues, de clics et d'oeil perçant... Ça sentait la créativité à plein nez.



Bref, je savais à 70 % où nous nous en allions, mais il restait une grande part d'inspiration, d'instinct et de spontanéité sur place. Rick a été un excellent joueur car je ne lui laissais que deux à quatre clichés par vélo pour ne pas perdre de temps. Je lui avais longuement expliqué le concept et le genre de photos auxquelles je m'attendais. Dès les premières photos, j'ai vite compris que je pouvais lui faire complètement confiance. Nous avons beaucoup marché! Il faisait beau et chaud.



Après ces jours de prise de vue, je suis retourné au bureau avec un disque dur de toutes les photos. Et là, ce fut la découverte du résultat. Nous avions prit une énorme chance car nous ne pouvions reprendre le travail. Il fallait que chaque photo soit la bonne. L'immuable date de tombée approchait et il me restait que deux jours pour transférer et retoucher les photos, ainsi que finir le montage complet du catalogue.



Ce fut une belle aventure et je pense que c'est l'un des catalogues dont je suis le plus fier.
Merci Rick et toute l'équipe.

samedi 8 janvier 2011

Engrenages


Engrenages
acrylique sur toile - 2011 - 36" x 48" (91,4 cm x 121,9 cm)

Série "Hors série"
www.alec5.com


Tel cet engrenage, j'ai l'impression qu'un processus s'est mis en marche. J'ai maintenant le goût de voir ce qui m'intrigue. Plus juste le suggérer, mais l'observer. Voir et brosser rapidement l'essentiel de ce que je ressens par rapport à l'image de l'objet, son émanation. Oui, il s'agit encore d'émanation mnémonique, mais cette fois cela ne vient plus de moi mais directement des formes et des objets que j'observe. Ils ont quelque chose à raconter.

Avec la toile précédente (La douille de lampe) et celle-ci, je retrouve un plaisir de peindre car justement, je ne focalise plus tant sur le fait de peindre que sur ce qui se passe tout simplement. Peut-être que ces derniers temps, je me regardais peindre... Et plus rien ne sortait. Là, je regarde ce qui se passe après coup. Je peins, je transcris ce que je ressens et bien après, je regarde le travail. De ce fait, je travail de façon plus grasse, plus humide... Et ça me plaît. J'en avais peut-être marre de la sécheresse du frotté aride des mes toiles précédentes.

Tel cet engrenage, j'ai l'impression qu'un processus s'est mis en marche. Pas seulement en peinture. Bien des choses changent autour de moi...

mercredi 5 janvier 2011

La douille de lampe


La douille de lampe
acrylique sur toile - 2011 - 24" x 30" (
61,0 cm x 76.2 cm)
Série "Hors série"
www.alec5.com


Le détail. La subtilité du détail. C'est fou comme les objets anciens peuvent révéler de subtils détails témoignant de cette patience, de ce regard, de cette réflexion de conception et de fabrication. N'allez pas croire que je rejette systématiquement la modernité. Ces détails sont déjà la modernité. Je ne la dénigre pas. La modernité actuelle me fascine aussi. J'ai un iPhone... C'est vous dire! Mais la modernité d'antan m'envoûte. Elle était régie par quelque chose d'autre : le temps, la durée, la solidité, la fiabilité... La réputation. Mais aussi l'espoir du futur. Tout un concept!

En observant cette douille de lampe, on remarque que le simple boulon d'ajustement à ailette est raffiné et élégant, que la douille elle-même est finement moulurée, faite d'un métal qui a su prendre la patine du temps avec honneur et bonheur.
Oui, l'objet est altéré. Il a vécu. Il a souffert, mais il est encore là et parfaitement fonctionnel.

Dans cette nouvelle série de toiles que j'entame sporadiquement, je veux observer sans juger, traduire sans reproduire, évoquer sans raconter, laisser l'impression de l'image parler d'elle-même.

Ce détail, cette douille est une partie d'une lampe souple à pince que j'ai toujours vue accrochée au chevalet de ma mère. Cette lampe a vécu avant elle et passera certainement encore une ou deux générations après moi. La pince elle-même vaut la peine qu'on s'y attarde. On en fait plus de pareille. Le filage était rustique et littéralement cuit? Certes, mais il était simple à changer pour un neuf. Pour ce qui est du reste, rien à modifier ou à rénover. Cette lampe est extraordinaire et unique.